J’errais dans les catacombes, un lieu froid et lugubre, mais c’était justement ce coté morbide que j’appréciais dans ces lieux.
Un lieu où presque personne ne va, quelle merveille pour un être qui adore, comme moi, se transformer en animal disons… inhabituel, pour une ville comme Paris. C’est pourquoi, après avoir étudié à fond les heures des tours de garde des gaillards chargés de la sécurité (il n’est pas rare de les voir le front soucieux, préoccupés par un cas de disparition, d’enfants ou de touristes qui se perdent) je me rendis régulièrement par ici. Je me chargeais de deux missions : d’abord, retrouver, si possible, les pauvres humains qui se volatilisaient dans ce labyrinthe géant ; et ensuite, profiter d’être seule avec les morts du cimetière des Innocents pour me transformer.
Perdue dans mes pensées, j’entendis soudain un petit gémissement, tellement bas que si j’avais été sous une forme humaine, je ne l’aurais pas entendu. Je me dirigeai vers le bruit, de plus en plus net. Ne voulant effrayer personne, je me métamorphosai (heureusement que je planquais toujours des vêtements dans les environs) et me rhabillai, pour me rendre là où la voix d’un enfant m’appelait.

-Maman, je veux ma maman… Pourquoi qu’elle est partie ma maman ?

Entendant un bruit, il appela un peu plus fort

-Maman ?? Maman ?!

* Pauvre petit bout de chou, il doit être traumatisé *

Je me dépêchai, et arrivai près d’un petit garçon, qui ne devait pas avoir plus de quatre ou cinq ans, et qui gémissait après sa maman. Le pauvre avait l’air affamé, et ses traits tirés ressemblaient affreusement à tous les squelettes qui étaient là. Si un humain était passé par là et avait entendu ses faibles gémissements, il avait dû se dire qu’il entendait des voix, ou quelque chose comme ça.

-Pauvre petit bout ! Viens avec moi, je vais retrouver ta maman, elle doit être très très inquiète !

-Maman ? Ah non, t’es pas Maman… Tu vas retrouver ma Maman ?
Oui, ne t’inquiète pas… Comment tu t’appelles, petit angelot (j’aime bien affubler les enfants de surnoms)

-Je m’appelle Cédric.

-On va retrouver ta maman, Cédric

Je l’aidai à le relever, et ensemble, après plusieurs tentatives pour retrouver mon chemin (les couloirs se ressemblent tous) , je finis par m’y retrouver. On réussit à sortir, et l’air frais parut rappeler à l’enfant qu’il n’avait pas mangé depuis quelques jours. Je trouvai un petit café, et offrit de quoi grignoter, un croissant et du chocolat chaud à mon petit protégé. Quant à moi, j’aurais préféré un steak de bœuf cru, je me contentai d’un café et d’une orange.

Ma longue nuit se terminait enfin pourtant le soleil ne se lèverait pas avant au moins trois heures! Après avoir passé de longues heures dans mon appartement à écouter les pleurs de bons nombre de mes concitoyens mystique, je m’accordai quelques heures de repos avant de me plonger à nouveau dans les guerres de territoires, les punitions des délis ou mon rôle de médiateur entre plusieurs interlocuteurs trop occupés par leurs soucis pour écouter ceux de leurs voisins… Les fées étaient les reines pour ce genre d’exercices d’ailleurs ! De vraies commères.

C’est donc avec un réel plaisir que je me retrouvais dans les catacombes parisiennes pour savourer un bon repas. Personne n’assistait jamais à mon diner, et pour cause… c’était effrayant même pour un vampire ou loup garou. La consommation d’os et d’esprits défunts ne faisaient guère partie des habitudes communes des membres de ma communauté! S’ils préféraient la chair fraiche des humains, je me contentais de leurs restes pourrissants ou asséchés. Bien sur ma préférence allait aux corps mort depuis quelques années seulement, mais creuser dans les cimetières n’était pas réellement d’y grande discrétion dans une ville comme Paris, voila pourquoi j’aimai tout autant descendre dans les galeries sombres des catacombes pour me nourrir. Les restes vieux de plusieurs siècles m’attendaient là, loin des yeux curieux.

Me guidant grâce à mon odorat je choisi une tombe sur ma gauche, après avoir parcouru plusieurs centaines de mètres qui m’entrainèrent au cœur des couloirs. En prenant appui sur mes bras, je me hissai dans le petit interstice avant de placer mes mains sur le crane en os pâle et d’ouvrir la bouche pour absorber le restant d’âme qui s’infiltra dans ma gorge sous la forme d’un nuage argenté… Un homme, âgé d’une trentaine d’année mort d’une pneumonie. Son passage le long de ma trachée me procura un frisson de contentement et de rassasiement. Quel bonheur ! Une fois ces quelques secondes d’extase dissipées, je m’attaquai aux ossements qui craquèrent sous mes dents aiguisées et aussi dur que de l’acier.

Tout aurait pu se terminer ainsi, dans le calme et le noir si mes sens ne m’avaient pas alerté… des bruits de pas se rapprochèrent peu à peu, tout comme les voix. Deux voix. Une femme et un enfant. Abandonnant le fémur de l’homme, je me tapis dans l’ombre pour observer ces deux tourmenteurs de repas. Ils ne tarderaient pas à passer devant ma minuscule crypte… C’est alors que je là reconnu ! Cette changeling dont le chemin avait croisé le mien un soir devant un spectacle aux pieds de la tour Eiffel ! J’ignorai son nom, mais jamais je n’aurais pu oublier ses cheveux blonds cascadants sur ses épaules et se charmant visage… Que faisait-elle ici ? Et pourquoi cet enfant l’accompagnait-il ? Se nourrissait-elle aussi sournoisement qu’un loup garou ? Je ne pouvais le croire.

Ils passèrent devant moi sans me remarquer et, après leur avoir laisser quelques mètres d’avance, je me glissai dans leur pas aussi silencieux que l’air… Ensemble ils quittèrent les catacombes pour se rendre dans un café. Là, elle lui paya un chocolat accompagné d’un croissant et ils commencèrent à discuter. Le petit ne touchait pas son déjeuner. Je compris que la changeling ne connaissait pas ce garçon et que ce dernier venait d’être sauver d’une longue et effrayante agonie dans le labyrinthe des galeries mortuaires. Ce qu’elle devait ignorer en revanche c’est que ce petit garçon n’était pas un banal humain… mais bien un petit vampire ! Comme elle sans doute, je me mis à me poser de multiples questions. Qu’elle compagne de sang abandonnerait ainsi son fils à une mort certaine ? Sans plus attendre, j’entrai à mon tour dans le café pour prendre la situation en main et éviter que le garçon n’envoie valser ce qui se trouvait devant lui et ne tombe en poussière quand les premières rayons de soleil se poseraient sur sa peau.

- Bonjour ! Dis-je avec un grand sourire pour ne pas aggraver la situation en optant pour une mine inquiète. Content de vous revoir ma chère… et ravi de faire ta connaissance jeune homme. Cela vous ennuierait si je me joignais à vous pour ce déjeuner ?

Je m’étonnai de voir que le petit Cédric ne touchais pas à son déjeuner, alors que d’habitude, les enfants de cet âge-là raffolent des croissants et du chocolat chaud, quand j’aperçus une silhouette familière. Tiens donc, l’homme qui m’avait sauvé la mise lors de la fête de la musique.

Elégant, souriant, mais son sourire avait quelque chose de forcé, ce qui m’inquiéta un petit peu.

- Bonjour ! Content de vous revoir ma chère… et ravi de faire ta connaissance jeune homme. Cela vous ennuierait si je me joignais à vous pour ce déjeuner ?

Bon. Si il n’avait pas l’air inquiet, moi, je le devenais petit à petit.

Je pris le couteau de petit et lui pris son croissant, pour le tartiner de beurre, mais je me coupai. La réaction du bout de chou fut immédiate. Ses yeux se précipitèrent sur la coupure qui saignait légèrement, et son regard se fit affamé.

Paniquée, j’acceptai sans hésiter la demande du fameux représentant des créatures mystiques.

-Oh, mais il n’y a aucun problème quant au fait que vous vous joigniez à nous, fis- je le plus poliment et la plus calmement possible. Au fait, nous ne nous sommes même pas présentés, la dernière fois. Je suis Reika. terminai-je calmement, cette fois-ci

La présence de cet être m’inquiétais et me calmais à la fois. Il m’inquiétait, car je ne savais pas ce qu’il faisait, ni ce que j’avais bien pu faire pour l’intéresser de la sorte, et il me calmait, parce qu’il émanait de lui une aura rassurante et protectrice.

Par contre, le temps changeait rapidement, et le petit avait toujours l’air aussi attiré par mon pouce blessé. Etait-ce un vampire que j’avais sauvé ? Mais, s’il était réellement un vampire, qui l’avait abandonné dans les catacombes ? Et pourquoi ? Je me mis subitement à me poser des tas de questions. Et s’il était un vampire, et que les légendes étaient vraies, il ne tarderait sans doute pas à brûler sous les rayons du soleil, qui commençait peu à peu à se lever.

Je fis alors un geste pour le moins surprenant. J’avalai d’un coup mon verre de jus d’orange, que j’essuyai avec ma serviette, et je pressai mon pouce saignant contre, versant ainsi quelques petites larmes de sang dans le verre, que je présentai à mon nouveau protégé.

-Tiens, bois, si c’est ça que tu veux. dis-je gentiment au petit. Personne ne m’a vu faire, ne vous inquiétez pas. Et si ça ne le sauvera pas des rayons du soleil, ça l’empêchera de mordre quelqu’un lorsque nous rentrerons dans les catacombes. affirmai-je à mon ‘protecteur’

Malgré mes efforts pour rendre mon visage aussi détendu que possible, intérieurement il m’était impossible de jouer avec mon habituelle contagion émotionnelle et de faire croire à la jeune changeling que tout allait bien. Elle le comprit d’ailleurs toute seule quand elle se coupa maladroitement le doigt avec le couteau à beurre… Le petit vampire réagit à la seconde même où le sang s’écoula lentement de la minuscule plaie. Ses yeux s’écarquillèrent et on pouvait deviner des crocs naissant derrière ses lèvres rosées. Pourtant, il réussit à retenir sa soif en restant assis sur sa chaise sans rien laisser paraitre aux yeux des personnes autour de nous. Ce seul signe me fit comprendre qu’il ne manquait pas d’éducation. Résister à l’appel du sang à un si jeune âge ne correspondait pas à un enfant abandonné à une vie solitaire et débrouillarde dans les catacombes.

La voix inquiète de Reika me sortit de mon observation silencieuse.

-Oh, mais il n’y a aucun problème quant au fait que vous vous joigniez à nous.

Sans plus attendre, je m’installai à ses cotés alors qu’elle continuait à me parler doucement.

- Au fait, nous ne nous sommes même pas présentés, la dernière fois. Je suis Reika.

- Yezahel ! Ravi de faire officiellement votre connaissance. Lui répondis-je en serrant la main qu’elle me tendait.

Si elle fut surprise par ma véritable identité elle n’en fit rien paraitre, concentrant toute son attention sur le petit vampire. J’en fis tout autant, essayant de percer la petite bulle qu’il semblait avoir mis autour de lui. En brisant le silence, j’entrepris de le questionner en espérant pouvoir obtenir un nom ou l’adresse du nid où il vivait. Inutile de lui demander ce qu’il venait de vire, cela ne pouvait être que traumatisant…

- Et toi, mon bonhomme, comment s’appelle ta maman ?

Aucune réponse. Je n’en fus pas plus surpris… Pas comme la réaction de Reika ! La jeune changeling venait de vider précipitamment son jus d’orange et pressait lentement sa blessure pour faire tomber des goutes rougeâtre sur le fond du verre.

-Tiens, bois, si c’est ça que tu veux. Dit-elle gentiment au petit. Personne ne m’a vu faire, ne vous inquiétez pas. Et si ça ne le sauvera pas des rayons du soleil, ça l’empêchera de mordre quelqu’un lorsque nous rentrerons dans les catacombes.

En effet personne ne l’avait vu faire, mais ce n’était pas une raison pour jouer ainsi avec le feu. Mon regard se fondant dans le sien se fit sans doute plus dur que nécessaire, car c’est de la peur que je pus voir dans ses yeux à cet instant. Inutile de lui faire plus longtemps la morale ! Ce n’était ni le lieu, ni le moment approprié pour ce genre de discussion. D’autant plus que le mini vampire vidait avidement le peu de liquide que contenait le verre…

- Il ne se satisfera pas de quelques gouttes ma chère !

Me levant précipitamment, je pris le jeune garçon dans mes bras et entrainait une Reika abasourdie hors du café. La rue commençait à s’animer à mesure que le ciel s’embrasait, nous n’avions plus beaucoup de temps ! Tirant de plus en plus fort sur le bras de la demoiselle, je pris le pas de course en prenant la direction de l’entrée des catacombes.

Tout contre mon cou, je pouvais sentir les crocs du garçon qui tentait par tout le moyen de retenir sa soif. Ses doigts s’enfonçaient dans la chair de mon bras et, malgré son jaune âge, sa force n’était en rien celle d’un humain. Accélérant encore, je courais à présent sur les pavés, Reika toujours derrière moi. Trop tard ! Le soleil décida de se lever une minute trop tôt. Les rayons se posèrent sur la peau pâle du jeune homme qui se mit à hurler de douleur.

- Ca va aller ! Accroche-toi. Tentai-je de le rassurer en me retournant brusquement pour le dissimuler de la lumière du matin. Reika, ta veste !

Sans vraiment m’en rendre compte j’avais délaissé le vouvoiement. Réunis dans cette même galère, les distances d’usages ne comptaient plus ! Par chance, la demoiselle ne manquait pas d’esprit et, à peine eu-je terminé ma phrase, elle jeta le tissu sur le vampire dont la peau commençait à partir en lambeaux, laissant échapper une fumée grisâtre à l’odeur fétide.

- Les catacombes ! Vite !

Une minute plus tard, nous nous retrouvions tous les trois à l’ombre des galeries. Tel un guide, je pris la tête de notre petite expédition, en serrant toujours le garçon contre moi. Les tombes se succédaient rapidement de chaque coté de ma tête, mais je savais parfaitement où j’allais ! Nous atteignîmes rapidement une salle plus large et c’est ici que je décidai de stopper notre course folle.

Le petit haletait et souffrait le martyre ! Saisissant, sans ménagement, le bras de la changeling, je l’approchai des petits crocs. Il avait besoin de sang et de rien d’autre. Quand les dents du vampire s’enfoncèrent dans ses veines, Reika eu un mouvement de recul, mais je tins fermement son poignet et elle ne pu bouger davantage.

- Répare ton erreur maintenant !

Au regard qu’elle me lança je compris qu’elle n’était pas loin de muter… Aucunement apeuré, je me pris même à rire lorsqu'elle échappa un léger grognement.

Yezahel me lança un regard tellement empli de colère que je ressentis un besoin pressant de m'enfuir dans les catacombes sous la forme d'une souris, et ne plus voir personne avant un moment. de plus, j'avais peur. Peur que le petit ne perde le contrôle, peur de la colère de mon "protecteur".

-Il ne se satisfera pas de quelques gouttes, ma chère !

il avait la voix emplie de colère, et peut-être un peu inquiète aussi. Il se leva d'un bond, nous prenant le petit et moi chacun par un bras. Cet homme avait une poigne de fer,et je me mis à courir pour pouvoir le suivre. Le soleil se leva avec un peu d'avance, et commença à brûler le petit Cédric, qui hurlait de douleur sous le soleil brûlant. En outre, la rue commençait tout doucement à prendre vie, et nous avions des chances de nous faire voir, ce qui n'était pas bon pour moi. Je risquais de tout perdre, mon don, ma vie... Mais enfin bref. ce n'était pas vraiment le moment de m'apitoyer sur mon sort.

-Ca va aller ! Accroche-toi.Reika, ta veste !

Je lui tendis immédiatement ma veste, comprenant le problème que risquait d'avoir le petit vampire. Je ne connaissait pas ce petit, mais m'y étais déjà attachée, et en plus, je préférais éviter de voir un vampire se faire cramer sous mes yeux, il paraissait que ce n'était pas un super spectacle.

-Les catacombes ! Vite !

Il prit la tête de l'expédition, tel un guide, et nous entraina au coeur des catacombes, un lieu où personne n'allait jamais, pas même moi. Au bout de quelques minutes de course, nous atteignîmes une salle un peu plus large que les autres, entourée par les squelettes du cimetière des Innocents, ce lieu était macabre et lugubre.

Il me prit par le bras, me désignant du doigt le petit vampire, qui soufflait, de soif et de douleur. J'étais apeurée par Yezhel, et sa manière de se comporter avec moi me donnait envie de muter.
Bientôt, il m'ordonna de nourrir Cédric en lui présentant mon bras, et je reculai en laissant échapper un grognement. Il n'avait pas du tout l'air apeuré, loin de là, et ricana en me voyant me contrôler pour ne pas muter.

Je sentis des frissons me parcourir le corps, mes os s'allonger, mes griffes sortir, mes cheveux se racourcir et mes poils s'allonger et changer légèrement de couleur.
Au prix d'un effort quasi surhumain, je réussis à me contrôler avant de détruire mes vêtements, il n'aurait manqué plus que ça !

Je finis par me détendre, toujours sous l'emprise du bras de Yezahel, me rapprochant légèrement des crocs du petit, qui avait eu l'air relativement surpris par ma quasi-transformation.

-Tu ne risques rien, je ne vais pas te manger

J'avais pris une voix douce, accompagnée d'un léger sourire. Tant qu'à faire, pourquoi ne pas le laisser faire, ce petit ? Après tout, il n'était pas assez costaud pour me vider entièrement de mon sang -du moins, je l'espérais- et mon "protecteur" était là en cas de souci.

Le petit avait l'air un peu plus rassuré, et me pris le bras, avant de mordre dedans. Je dus me retenir, pour contenir les frissons que je sentais déjà dans ma nuque. Je me détendis, lâchant la prise à la douleur, me réfugiant dans les affres de mon inconscient.
Je me sentais partir, comme si je m'endormais, lorsque la douleur s'arrêta. Le petit vampire avait fini de boire à mon bras, et s'essuya la bouche qu'il avait pleine de sang, ce qui n'était pas spécialement beau à voir, d'ailleurs. Il avait une mine nettement meilleure, le teint frais et serein, les cheveux moins ternes et plus brillants, les yeux plus vivants également.

Toutefois, le soleil était maintenant levé, et il était hors de question de quitter les catacombes avec le gamin maintenant, ou il risquait de brûler.

Je regardais Yezahel dans les yeux :

-Maintenant qu'il a bu, on fait quoi ? et ses parents, où sont ils ?

J'avais un tas de questions à propos de ce petit, et il n'allait pas tarder à rejoindre un endroit où il pourrait dormir pour la nuit. Et la seule personne à qui je pouvais parler librement de ce petit, et qui avait une grande connaissance des créatures mystiques se trouvait devant moi. Pourquoi ne pas en profiter ?

Quand il eu comprit ce que je demandai à la changeling, le petit vampire saisit délicatement le bras de Reika et porta le poignet jusqu'à ses lèvres cyanosées. La douce odeur du sang emplissait ses narines et réveillait sa soif endormie depuis l’épisode de la brûlure, je le voyais dans son regard noir, avide et totalement inhumain. Il ne restait plus rien du garçonnet aimable et poli de tout à l’heure, seule la part mystique de son être contrôlait ses gestes… Il n’existait rien de plus dangereux! En temps normal je n'aurai pas laisser cette créature vivre une seconde de plus, mais il s'agissait d'un enfant...

D’un mouvement rapide qui me surprit, il planta ses crocs dans la chair de la jeune femme, cherchant gloutonnement le précieux liquide vital qui calmerait sa soif. L’immaturité du geste était évidente, mais comment aurait-il pu en être autrement ? Ce vampire ne devait pas être plus âgé qu’une dizaine d’années tout au plus. On ne pouvait pas lui demander de faire une plaie propre et peu profonde, encore moins au vu de l'état dans lequel il se trouvait!

Le questionnement qui me taraudait depuis la découverte du vampire repris immédiatement le cheminement dans ma tête et c’est seulement quand mes yeux croisèrent ceux de Reika que je sortis de ma torpeur.

La morsure devait être douloureuse car la jeune femme grogna avant de se perdre dans les méandres de son inconscient… Relevant la tête vers la voute d’ossements, son regard se fixa et son corps s’immobilisa, comme paralysé. Ce genre de réaction n’était pas rare lors d’une morsure, pour ne pas dire habituelle. Certain humain en devenaient même accro… Je ne m’en inquiétais pas outre mesure et me mis à patienter en surveillant Cédric. Même s’il devait se nourrir, la mort de la changeling ne faisait pas partie de mon plan !

Quelques minutes plus tard, Reika revient à elle et me questionna, son regard fixement planté dans le mien.

-Maintenant qu'il a bu, on fait quoi ? Et ses parents, où sont-ils ?

Lui avouer que je n’en avais aucune idée ne serait sans doute pas la meilleure réponse à lui donner… et encore moins acceptable de la part du dirigeant de la communauté. Yezahel représentait le pilier du peuple mystique et jamais je ne devais me montrer faible et ignorant. Même en cas de doute, il me fallait manier les mots pour garder ma stature… Ce serait encore le cas à cet instant !

- Il est rassasié pour quelques heures, regarde il s’est endormit !

En effet, sans s’occuper de notre conversation d’adulte, le petit garçon dormait paisiblement. La tête reposant encore sur le bras de Reika et du sang goutant lentement de ses crocs, il n’avait pas eu la force de s’écarter malgré le bien que l’hémoglobine fraiche lui avait apporté. La nuit avait dû être longue pour ce bout de chou, et l’avenir ne semblait pas plus clair…

- Il n’aura pas besoin de se nourrir avant la nuit prochaine maintenant, soit tranquille. Pourtant je rejoins ton inquiétude concernant la raison de sa présence ici et seul qui plus est ! Vois-tu, les vampires et leurs compagnes de sang sont extrêmement protecteurs envers leur progéniture. Pour rien au monde il ne laisserait leur petit divaguer de la sorte dans les catacombes sans protection. Ils vivent dans des nids, protégés par ces membres et soudés par leur histoire commune. Jamais ils ne laisseraient un enfant si jeune sortir seul !

Je marquai un silence pour laisser mes mots faire leur effet autant sur Reika que sur moi-même. Une histoire sanglante se profilait de plus en plus à mesure que les morceaux du puzzle s’emboitaient. Qui ? Pourquoi ? Ils nous restaient à le déterminer.

- Ce sont toutes ces raisons qui me font penser qu’un drame a dû se produire… je ne crois pas une seule seconde à l’hypothèse de la fugue, ni même à l’abandon ! Te rappelles tu quelque chose de particulier quand tu l’as trouvé ?

Yezahel parut réfléchir quelques secondes, avant d'éluder en disant que le petit s'était endormi, et effectivement, il dormait, et même plutôt profondément.
Il était chou comme ça, serein, et personne n'aurait pu deviner à l'instant présent que Cédric était un vampire, on dirait simplement un petit garçon de cinq ans, profondément endormi... Sauf avec le sang qui gouttait de ses crocs, ce n'était pas spécialement joli à voir... D'ailleurs, je m'approchais, et lui essuyais doucement les crocs - on ne risque rien avec un vampire endormi, c'est comme s'ils étaient morts - pour le rendre plus... Présentable.

-Il n’aura pas besoin de se nourrir avant la nuit prochaine maintenant, soit tranquille. Pourtant je rejoins ton inquiétude concernant la raison de sa présence ici et seul qui plus est ! Vois-tu, les vampires et leurs compagnes de sang sont extrêmement protecteurs envers leur progéniture. Pour rien au monde ils ne laisseraient leur petit divaguer de la sorte dans les catacombes sans protection. Ils vivent dans des nids, protégés par ces membres et soudés par leur histoire commune. Jamais ils ne laisseraient un enfant si jeune sortir seul !

Il marqua un arrêt, soulignant la gravité de la situation. Je ne connaissais pas grand chose aux vampires, et je venais d'apprendre qu'ils pouvaient avoir des enfants, mais uniquement grâce aux compagnes de sang.
Puisque les compagnes de sang ne devaient pas courir les rues, les vampires protègeaient vaillamment ces dernières, et leur progéniture également. En plus, les petits vampires se laissaient beaucoup plus aller à leur instinct, et risquaient d'attaquer les gens plus facilement... Mais alors, pourquoi sa mère l'avait-elle abandonnée ? et son père ? Que faisait-il dans l'histoire ? Il devait pourtant être au courant de l'existence de Cédric.... Donc il était arrivé quelque chose... Mais quoi ? Et surtout, que faisait le père ? Etait-il mort ? Toutefois, les vampires ne mourraient pas comme ça, quelqu'un l'avait donc assassiné... Enfin, c'est ce qu'il se dégageait clairement des dires de mon supérieur... .Et sans doute sa compagne également....

J'étais assez inquiète, entendant régulièrement des histoires de meurtre non-élucidé ou quoi dans ma clientèle d'humains, mais cela ne m'avait jamais vraiment touché... Maintenant, j'étais vraiment inquiète. Et qui pouvait être assez puissant pour tuer un vampire ?

-Ce sont toutes ces raisons qui me font penser qu’un drame a dû se produire… je ne crois pas une seule seconde à l’hypothèse de la fugue, ni même à l’abandon ! Te rappelles tu quelque chose de particulier quand tu l’as trouvé ?

L'hypothèse de la fugue pouvait presque paraître risible, que ferait un petit vampire de cet âge-là ? Et l'abandon ? Aucun vampire n'abandonnerait ni sa compagne, ni son enfant, vu l'importance qu'ils accordaient à leur progéniture.... un drame, forcément....

Je réfléchissais au moment où je l'avais trouvé... J'errais dans les catacombes sous ma forme animale, comme souvent.... Des tas d'odeurs se dégageaient du cimetière, comme toujours, et je n'avais rien remarqué de particulier àce niveau-là.
Tout me semblait normal, je ne pensais pas avoir vu quoi que ce soit... Puis j'avais entendu le petit gémir après sa maman, et je m'étais avancèe, me concentrant uniquement sur le petit, sans prêter attention aux autres bruits...
Si... j'avais peut-être bien entendu des craquements, des bruits de pas, mais n'y avait pas prêté attention, pensant que c'étaient sans doute des gens qui rentraient chez eux, ou des parents qui avaient égarés leurs enfants, ou que sais-je... Mais jamais je n'aurais pensé que c'était un criminel en puissance, cherchant un petit vampire (héhé, c'était moi qui l'avais retrouvé ! na, bien fait pour toi, démon !!!), et je n'avais pas écouté ses pas.

-Mhm... Il me semble avoir entendu des bruits de pas, qui erraient, mais je ne sais pas dire si c'était celui qui, vraisemblablement, cherchait le petit...

Je réfléchissais à ce que j'avais vu, des traces de sang, peut-être ? Mouais, c'était bien possible... je retournais tout dans ma tête, réfléchissant à tous les petits détails que j'avais pu entrevoir, essayant de faire travailler ma mémoire, qui était habituellement très bonne, même si ce n'était pas toujours facile de faire le lien entre ce que je voyais sous ma forme animale et ce que je voyais sous ma forme humaine, vu que je ne percevais pas du tout les choses de la même manière.

Ca y était ! Je me souvenais maintenant parfaitement d'avoir vu des traces, je ne sais pas trop de quoi, mais ça ressemblait fortement à du sang. Puis, il y avait des genres de coup dans le sol, mais tout légers, que j'avai aperçu sous ma forme animale, c'était trop discret pour qu'on puisse voir ça sous une forme humaine.

-Maintenant que j'y repense, il me semble avoir vu des traces de combat, mais sous forme animale, je n'en suis donc pas sûre... Même si en y repensant, c'est sûrement ça.... dommage que le petit dorme, on pourrait lui demander s'il n'a rien vu après que sa mère l'ait "abandonné"... Elle l'avait juste peut-être laissé là pour aller aider son mari...

Les formes étranges du sol bosselé me revenaient, à présent. Ce lieu n'avait jamais été vraiment plat, mais tout de même, il y avait des limites... un humain normal ne s'en serait pas rendu compte, mais une panthère, si.

-Mhm... Il me semble avoir entendu des bruits de pas, qui erraient, mais je ne sais pas dire si c'était celui qui, vraisemblablement, cherchait le petit...

Ces quelques mots ne me donnèrent aucun indice sur l’identité de l’éventuel agresseur, et ce malgré la bonne volonté de la changeling. J’espérai que Reika arriverai se souvenir d’un détail plus probant qu’un simple bruit de pas, qui pouvait appartenir aussi bien à un humain qu’a une créature mystique, mais il semblait que la jeune femme ne parvenait pas à retrouver dans sa mémoire les éléments qui auraient pu nous conduire à une piste. Peut être n’y avait-il rien sur place ! Les meurtriers qui sévissaient depuis quelques temps se débrouillaient à la perfection pour ne laisser aucunes preuves sur les lieux de leur crime, juste un corps ou un morceau de… Brrr cette vision d’horreur me fit frémir. Je n’étais pas du genre à m’apeurer pour rien, bien au contraire, mais les frissons qui parcouraient mon échine me faisaient dire que le monde était en danger ! Si maintenant ils se mettaient à tuer en abandonnant des êtres vulnérables derrière eux…

-Maintenant que j'y repense, il me semble avoir vu des traces de combat, mais sous forme animale, je n'en suis donc pas sûre... Même si en y repensant, c'est sûrement ça.... dommage que le petit dorme, on pourrait lui demander s'il n'a rien vu après que sa mère l'ait "abandonné"... Elle l'avait juste peut-être laissé là pour aller aider son mari...

D’un regard rapide vers le petit vampire, je constatai qu’il dormait d’un sommeil profond, sans respiration et… sans rêve. Comme tous les membres de sa race, il ne se réveillerait pas avant la tombée du jour à présent. A un si jeune âge, il ne pouvait résister à l’attirance du repos en pleine journée et encore moins après l’épreuve qu’il venait de vivre. Même si il n’en avait rien dit, cela tombait sous le sens !

- Inutile de lui faire revivre les moments traumatisants qu’il vient de subir. Cédric a fait preuve d’assez de courage pour aujourd’hui. A nous de nous mettre en chasse !

Nos yeux se croisèrent et je n’hésitai pas une seconde pour lui demander :

- Serais-tu capable de retrouver l’endroit précis ? J’aimerai voir ça de plus près. Si il y a eu lutte, les traces seront peut-être encore exploitable… A condition que les humains ne viennent pas piétiner la « scène de crime ».

La jeune femme me fixa pendant quelques instants, interdite. A quoi pensait-elle ? Ses yeux naviguaient rapidement entre mon visage et le petit vampire profondément endormit sans que je n’arrive à sonder pleinement ses intentions. Elle semblait vouloir aider Cédric et découvrir la vérité sur son abandon, pourtant se trouver dans les catacombes en ma compagnie la perturbait. Je pouvais entendre les battements de son cœur bien trop irrégulier pour me tromper sur son état de nerf. D’extérieur elle arrivait à dissimuler l’angoisse qui la rongeait, mais les signes intérieurs ne pouvaient mentir.

-En fait, je pense que oui, à condition d'être sous ma forme animale, si cela ne vous dérange pas, bien évidemment...

J’allais m’empresser d’acquiescer, mais Reika ne m’en laissa pas le temps. A peine eu-t-elle terminé sa phrase que son corps se mit rapidement en mutation. Contrairement aux loups garous dont la transformation n’avait rien d’une partie de plaisir, à grand renfort de grognement et de cris déchirants, la métamorphose des changeling se faisait rapidement et sans douleur. Aucunement gêné de ne lui laisser aucune pudeur, je ne manquai aucune seconde de ce spectacle !

De puissants frissons parcoururent son corps frêle et alors qu’elle se laissait tomber vers le sol dans une attitude familière, ses bras, ainsi que ses jambes se dotèrent de coussinets pour amortir sa chute. Je ne pus apercevoir immédiatement l’animal qui se tenait devant moi puisque les vêtements dissimulaient en grand partie le reste du corps de la bête, mais je me doutais que Reika avait opté pour une forme féline. J’en eu la confirmation une seconde plus tard lorsqu’elle se secoua pour se débarrasser du top et du pantalon qui la recouvrait encore.

La jeune femme avait laissé place à une splendide panthère des neiges !

- Hum… Très jolie, la complimentai-je !

Son regard me transperça. Glacial ! Je ne donnais pas cher de la vie d’un rat ou même d’un chat qui croiserait sa route dans ces sombres galeries…

Dissimulant Cédric dans une niche préalablement vidée et suffisamment basse pour qu’aucun humain ne puisse le repérer facilement, je suivis la changeling qui s’élançait déjà dans le labyrinthe. Je ne m’inquiétais pas de retrouver ensuite le vampire, les catacombes faisaient parties de mes lieux de prédilection depuis des années et ne recelaient plus aucun mystère. Je m’y sentais presque comme chez moi !

Notre course dura de longues minutes avant que Reika ne s’arrête subitement. Nez contre le sol, elle reniflait pour flairer la moindre petite odeur. De mon coté, je me mis à étudier l’environnement en devinant que l’enfant avait été trouvé dans les parages. Aucunes traces évidentes de lutte sur le sol ne pouvaient laisser penser que des événements tragiques pouvaient s’être déroulés ici. La poussière sur le sol ne me paraissait pas plus fine ou éparpillée que dans la majorité des couloirs, et seules les émanations ancestrales des ossements emplissaient l’air autour de nous. Si quelqu’un avait commis un meurtre ici, tout avait été soigneusement nettoyé…

- A moins que…

Soudain, dans un éclair de lucidité, je reconnu l’endroit ! Trop occupé à détecter un indice, je ne m’étais pas soucié de notre localisation. Quel imbécile je faisais ! Cette partie des souterrains regorgeaient de passages secrets dissimulés dans ses cryptes, et l’un d’entre eux nous faisait face ! D’un brusque coup d’épaule dans la pierre, je fis basculer une porte secrète qui s’ouvrit sur une salle éclairées par deux immenses cierges noirs.

Mes doigts se serrèrent contre mes paumes à m’en faire saigner ! Le macabre spectacle qui se tenait devant mes yeux reflétait une telle barbarie que j’eu bien du mal à retenir ma colère. Deux poteaux de bois, des chaines en titane, des lames, une marre de sang, mais un seul corps… Celui d’une compagne de sang sans l’ombre d’un doute. Le visage encore couvert de larme salées, je devinai sans mal les souffrances qu’elle avait dû endurer avant que la douleur morale ne vienne la libérer de ses souffrances, en regardant celui qu’elle aimait mourir dans les flammes du buché que l’on avait pris soin de dresser à quelque mètres devant elle. Le vampire qui l’accompagnait n’était plus qu’un tas de cendre grisâtre au milieu des rares morceaux de bois restant.

- Reika, inutile que tu vois ça… Je vais chercher les indices seul. Retourne auprès de Cédric.

Je doutai que la jeune femme reste en dehors de la pièce, mais j’aurai préféré qu’elle m’écoute et ne vois pas plus longtemps cette scène cauchemardesque.

A ma grande surprise, Reika fit rapidement demi-tour et sortit de la pièce en silence. Le spectacle macabre qui se jouait dans cette partie des catacombes ne devait pas lui inspirer une grande joie et elle préféra sans doute m’obéir en retournant s’occuper de l’orphelin. Comme je pouvais la comprendre !

Sans plus attendre, je commençai à faire le tour de la petite salle, laissant mes sens me guider vers ce qui pourrait nous aider à déterminer l’identité de cet assassin. Cette question me hantait de plus en plus ! Jamais on n’avait attaqué mon autorité de cette manière en plus de six milles ans de règne et cela me rendait fou !

De précieuses minutes s’écoulèrent ainsi et une fois mon inspection terminée, je mis le feu à la pièce pour dissimuler toutes traces de cet incident. Personne ne saurait jamais ! A l’exception de Reika et moi… J’étais triste d’offrir une si sommaire sépulture au couple d’amoureux, mais je n’avais malheureusement pas d’autres choix.

- Reposez en paix… murmurai-je avant de me détourner pour retrouver la changeling et le jeune vampire.

Qu’allait-il advenir de lui à présent ? Je ne pouvais pas le prendre en charge avec mon emploi du temps déjà plus que surchargé et j’imaginai mal demandé à Aril de s’occuper de lui. Fée et vampire font rarement bon ménage…

- Reika ? Aurais- tu le temps et l’espace pour recueillir ce petit ?

D’un signe de tête elle approuva à peine ma phrase terminée. Elle appréciait cet enfant, c’était évident.

- Je dois aller parler au représentant du nid pour lui apprendre la nouvelle… Je te retrouve le plus vite possible dès que j’en sais plus. Sois prudente en attendant ma visite.

Et sans un mot de plus je la laissai seule et quittai les catacombes pour rejoindre les Champs Elysées.