Un bip sec et régulier me sortit d'un étrange sommeil que je savais inhabituel. Les paupières lourdes, et le corps endolori, je tentais de bouger mes membres, mais il me semblait que mon corps ne me répondait plus. Les bruits autour de moi m'étaient étranger,s et il me tardait de pouvoir me rendre compte de où je me trouvais. Mais comme prisonnier de mon propre corps, je ne parvenais pas à me sortir des ténèbres dans lesquels j'étais plongé. Je me raccrochais à ce bip régulier, et mis toutes mes forces pour ouvrir les yeux. Mes paupières papillonnèrent sous l'effet de la lumière, et je ne percevais que des taches de couleurs blanches et jaunes. Petit à petit les formes se dessinèrent et je reconnus les murs d'une chambre d'hopital.

Je cherchais à bouger, et si mes muscles étaient endoloris, ils me répondaient. Ma tête par contre était plus que douloureuse. Je ne pouvais pas la tourner sans ressentir une douleur lancinante dans le cou, malgré la perfusion que je supposais remplie de calmants.

Des flahs me revint alors en mémoire. Cette fille au bar. L'arrière salle. Le mur, le bureau, nos vêtements éparpillés sur le sol. Puis un coup, Yezahel, et enfin le noir. Etait ce pour cela que j'étais ici? Qu'était il arrivé exactement? Les bips de la machine s'étaient accélérés alors que je me remémorais le cours de ma soirée. Comment étais je arrivé ici? Dans quel état se trouvait mon bar?

Levant à peine la tête pour me rendre compte de l'état dans lequel je me trouvais, je l'aperçus alors. Assis sur une chaise, au pied de mon lit d'hopital. Un grand journal ouvert devant lui, j'ignorais alors qui se trouvait devant moi.

…

- Vous êtes de la famille ?

- Non mais…

- Je suis désolé mais vous ne pouvez pas rester ! Seuls les membres de la famille proches sont autorisés à rester près de lui !

- C’est moi qui l’ai amené jusqu’ici, j’ai quand même le droit de…

- Le droit de rien du tout ! Monsieur, vous avez fait votre devoir de citoyen en portant secours à une personne en danger, mais voilà ça s’arrête là. Cet homme à besoin de repos.

Décidément, ce petit interne prétentieux commençait à me taper sur le système ! Avec ses cheveux blonds gominés, ses yeux bleus, sa belle gueule et son parfum Azzaro il avait tout de l’acteur de Grey’s Anatomy et se croyait sans doute le roi du monde du haut de ses quelques années d’étude. Je ne sais quelle force supérieure me retenait de le remettre à sa place depuis qu’il avait ouvert la bouche pour me donner des nouvelles de Belyal.

- Je vais vous demander de partir !

- A moi ? Vraiment ? Vous me demandez à moi de partir ?

J’en n’en croyais pas mes oreilles !

Après un coup d’œil à droite, puis à gauche, pour m’assurer que le couloir était désert, je poussai sans ménagement ce petit caïd contre le mur jaune délavé du couloir. Ma main appuyant sur sa poitrine, je n’avais pas besoin de beaucoup de force pour le maintenir et avoir toute son attention. Mon genou se cala sur ses parties génitales, comme pour dire « attention à ce que tu vas faire mon pote, où je peux de faire bobo ».

- Écoute moi bien Docteur mamour, ton numéro de charme fonctionne peut-être sur les jolies filles, les mères épleurées et les petites frappes dans ton genre ! Mais avec moi tu oublies toute de suite ! J’ai amené ce mec jusqu’ici, alors qu’il pissait le sang dans ma bagnole ! Je te raconte pas ce que ça va me couter en détachant cuir! J’estime au moins avoir le droit de voir de mes propres yeux comment il va ! Que ça te plaise ou non !

Impressionné ? Possible. Dans tout les cas, il ne broncha pas d’avantage et m’indiqua aussitôt le numéro de la chambre de mon cher intuitif.

- Merci ! Lui répondis-je avec un sourire narquois avant de prendre la direction que montrait encore son doigt.

J’attrapai au passage un journal au kiosque puis frappait doucement au numéro 12. Pas de réponse. J’entrai alors sans faire de bruit et découvris le jeune homme profondément endormit. Le médecin ayant sans doute forcé un peu sur les tranquillisants en l’entendant déblatérer sur une jeune femme suceuse de sang… La plaie semblait bien petite comparée à ce qu’elle avait pu être quelques heures plus tôt et je me félicitais intérieurement pour mes talents de guérisseur.

Le soleil pointait le bout de son nez à l’horizon pourtant je me sentais parfaitement éveillé. Aucune famille ne pouvait être jointe, je n’avais pas menti. A défaut de père ou de mère, j’allais veiller sur Belyal… M’installait sur l’unique fauteuil de la pièce, j’ouvris le journal et laissais les heures s’écouler en lisant les nouvelles du jour.

La respiration se fit plus régulière et il se réveilla doucement. Je n’avais pas besoin de le voir pour le comprendre. Le visage toujours dissimilé par le papier, je lui dis pourtant :

- Comment te sens tu l’ami ?

"L'ami"?

Je fronçai les sourcils et continuai mes efforts pour sortir de l'épais brouillard dans lequel je me sentais retenu. Je serrai les poings, et tentai vainement de me redresser un tant soit peu. Impossible, j'étais encore trop groggy, et la perfusion que je sentais sur le dos de ma main ne rendait pas les choses faciles. Qu'est ce qui s'écoulait avec régularité dans ce petit tuyau? Un anesthésiant? Quelque chose destiné à m'abrutir? Je continuais de lutter pour garder les yeux ouverts et reportais mon attention sur l'homme assis devant moi.

L'ami. Il n'y avait qu'une seule personne qui m’appelait ainsi.

- Yezahel? Qu'est ce que tu fais ici? demandai je d'une voix endormie, alors que je faisais tous les efforts du monde pour parler clairement.

Mes paupières étaient lourdes et ma bouche pateuse. J'avais fait un effort inimaginable pour parler, et je me sentis encore plus diminué lorsqu'il posa son journal sur le lit et qu'il se leva. Un vent de panique s'abattit sur moi sans que je ne puisse m'y dérober. Qu'allait il faire? Sortir un flingue et me descendre avant que je ne puisse raconter ce que j'avais vu ? Les mêmes flashs me revinrent en tête, mais la raison vint à mon secours. Si Yezahel avait voulu me voir mort, il aurait laissé Kira s'occuper de moi. J'avais en tête l'image d'un père disputant sa fille... S'il avait voulu se débarrasser de moi, il ne serait pas intervenu, cela me paraissait évident.

Néanmoins, se tenait devant moi une créature mystique, aux pouvoirs surnaturels, connaissant une femme qu'il avait lui même appelé Valkyrie, et qui avait tenté de me vider de mon sang. La méfiance était de rigueur. Au minimum.

Il prit ma main et avant que je n'ai le temps de me demander ce qu'il était en train de faire, en arracha la perfusion d'un coup sec. Je sursautai, surpris, et me détendit lorsqu'il la relâcha et retourna s'asseoir à sa place.

En quelques minutes la brume se dissipa, et j'étais capable de bien mieux réfléchir. La douleur se réveilla aussi, mais elle ne me dérangeait pas plus que ça. Elle était la preuve que j'étais bien vivant, et que je n'avais pas rêvé ce que mon esprit s'appliquait à se souvenir.

- Qu'est ce qu'il s'est passé? Et Kira, où est elle?

A présent, je me souvenais parfaitement de ce qui était arrivé. L'entrée de Kira dans mon bar, l'arrière salle, nos ébats... Puis le sang, la dispute, mon corps qui s'engourdissait. C'était l'après que je voulais connaitre. Que s'était il passé entre le moment ou j'avais perdu connaissance et celui ou je m'étais réveillé? Et qu'était il advenu de Kira?

En tournant la page du sujet nécrologique, que je consultais sans vraiment m’attarder sur les différents noms qui défilaient sous mes yeux, j’entendis Belyal me répondre.

- Yezahel? Qu'est ce que tu fais ici?

Les sons qui sortaient de sa gorge abimée n’avaient plus rien à voir avec son timbre habituel de beau parleur, qui lui servait d’outil de séduction. Plus grave et éraillée, sa voix semblait venir d’outre tombe, semblable à un grognement de zombie tout juste transformer… La situation ne se prêtait malheureusement pas à la plaisanterie et je ravalai un sourire moqueur tout en gardant pour moi la stupidité de ma réflexion. Kira venait d’amocher mon espion et je riais jaune !

- Je viens de sauver ta peau, voila pourquoi je suis ici ! Lançai-je en repliant rapidement le journal et en le jetant au pied du lit, même si l’envie me démangeait de lui faire voler au nez en repensant à la dangerosité de l’aventure avec Kira. Non mais qu’est-ce qui t’as pris ? Ne sais-tu pas reconnaitre le danger quand tu le vois ?

Ses yeux cherchaient à se stabiliser sur moi, sans succès. Abruti par l’antalgique trop puissant, je pris l’initiative de lui retirer la perfusion avant de me rasseoir à coté du lit. Petit à petit les effets s’estompèrent. Je l’aidai alors à s’installer correctement assis dans le lit et attendis qu’il prenne de nouveau la parole, signe qu’il était prêt pour la discussion.

- Qu'est ce qu'il s'est passé? Et Kira, où est-elle?

Inutile de lui cacher la vérité, au contraire ! Il devait comprendre que sa vie ne s’était jouée qu’à un fil. J’usais néanmoins d’un ton calme et rassurant pour ne pas l’effrayer plus que nécessaire.

- Kira… Belyal, tu as fais la rencontre d’une valkyrie particulièrement spéciale ! Sans doute la plus redoutable de tout leur clan. Ces femmes sont déjà particulièrement dangereuses, alors ajoute l’ascendance particulière de Kira et tu obtiens une guerrière sans pitié, sans peur et sans scrupules ! Tu as de la chance d’être encore en vie crois moi !

Je n’en ajoutais pas plus. L’origine particulière de Kira n’était pas le sujet de conversation que je voulais aborder avec l’intuitif. Je me levai et marchai jusqu'à la fenêtre avant de reprendre la parole.

- Tu ne dois pas chercher à la revoir ! La mission que je t’ai confiée est suffisamment risquée sans que tu te mettes sur le chemin de cette femme. Il en va de ta sécurité et de sa survie…

Il me répondit d'une voix calme, mais ferme.

- Kira… Belyal, tu as fais la rencontre d’une valkyrie particulièrement spéciale ! Sans doute la plus redoutable de tout leur clan. Ces femmes sont déjà particulièrement dangereuses, alors ajoute l’ascendance particulière de Kira et tu obtiens une guerrière sans pitié, sans peur et sans scrupules ! Tu as de la chance d’être encore en vie crois moi !

Il était vrai que m'envoyer en l'air avec une "valkyrie", comme il l’appelait, n'avait sans doute pas été la plus judicieuse des idées. Idée délicieuse bien sur, mais dangereuse, je n'étais pas sur ce lit d’hôpital pour rien.

Il avait parlait d'ascendance particulière... de quoi parlait il? Je ne l'interrompais pas et le laissais continuer. Je ne savais même pas ce qu'était une valkyrie avec exactitude de toutes façons.

- Tu ne dois pas chercher à la revoir ! La mission que je t’ai confiée est suffisamment risquée sans que tu te mettes sur le chemin de cette femme. Il en va de ta sécurité et de sa survie...

- Je devrais forcement la revoir, répondis je du tac au tac. A moins qu'elle ne passe plus les portes de mon bar... dans le cas contraire, je dois en savoir plus sur elle. Si tu me dis ça, c'est que tu as décidé de ne pas la supprimer. Es tu sure d'elle et de sa loyauté envers toi? Pourquoi aurait elle voulu me tuer, si elle sait que je travaille pour toi?

De plus en plus alerte, je me redressais complètement et m'asseyais en tailleur sur le lit. Je décollais les électrodes de ma poitrine et balayais la pièce du regard pour trouver mes vêtements. Je n'avais aucune envie de rester ici, malgré ma blessure. Je voulais aller voir l'état de mon bar, savoir si mon serveur allait bien, partir d'ici tout simplement.

- Je sous estimai sans doute les dangers de la mission que tu m'as confiée, lui dis je alors. J'ai besoin que tu m'en dises un peu plus. Qui crains tu? As tu des pistes? Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai rien de concret à te dire. Je n'ai rien observé d'inhabituel... Les clients de votre communauté viennent de plus en plus nombreux dans mon bar, grace à l'écarlate. Ma clientèle gonfle de plus en plus, ils se passent le mot... Mais je pense que je manque d'infos. A commencer par cette Kira. Les valkyries, qui sont elles? Quels sont les créatures mystiques susceptibles de t'en vouloir? Qui es tu exactement pour eux pour craindre un soulèvement?

J'ignorais tout de celui qui m'avait confié cette mission. Depuis le soir de notre rencontre, nous nous étions croisés pour nous mettre d'accord sur l'écarlate... mais n'avions pas pris le temps de discuter véritablement. Il nous fallait le faire, aujourd'hui.

Qu'avaient ils fait de mes vêtements? Et de mon portable? Mon portefeuille? Je me levai d'un pas encore un peu chancelant, et ouvrait le seul placard de la pièce. Vide, bien entendu. Je claquai la porte et me retournai vers Yezahel, visiblement en grande réflexion suite à ma question. Est ce qu'il hésitait à me parler des véritables raisons qui l'avaient poussé à venir me rencontrer jusque dans mon bar? Peu importait, je voulais partir d'ici, et ne m'attardai que quelques secondes sur lui. Nos regards se croisèrent cependant, et il me montra d'un signe de tête un petit sac plastique au pied de mon lit.

Je le vidais rapidement, et ne trouvais que mon jean, taché de sang. Ca suffirait bien pour rentrer chez moi... Quant au reste... A bien y réfléchir, j'étais arrivé à l’hôpital torse nu. Quand Kira m'avait attaqué, je n'étais pas vraiment habillé... Mon jean ferait l'affaire pour filer d'ici.

Mes papiers étaient bien là, mon téléphone aussi. Je pouvais partir.

- Tu as raison Belyal. Je vais te dévoiler toute la vérité. J’espère que tu n’es pas pressé, car c’est une histoire qui risque de durer plusieurs heures…

Je rangeais mes papiers dans la poche arrière de mon jean, et pensais à sortir pour aller parler de tout ça ailleurs. Mais Yezahel ne semblait pas prêt à se lever, et me montra le lit pour que j'aille m'asseoir face à lui.

- Cela t’occupera, puisque tu dois rester ici en observation encore une journée !

Une journée??! Je ne pouvais déjà plus supporter l'idée de rester ici une heure de plus! Alors une journée...! Je râlais en me laissant tomber sur le lit, puis me réinstallais un peu plus confortablement le temps de l'écouter. Même si je voulais m'en aller, je ne pouvais ignorer la douleur dans mon cou, ni les légers étourdissements que je subissais en restant trop longtemps debout. J'avais du perdre plus de sang que je ne l'imaginais, et le teint blafard que j'aperçus en passant devant le miroir me le confirma.

Ceci dit, tout cela ne m’empêcherait pas de partir une fois que Yezahel m'aurait parlé. Depuis la maladie de mon père, je ne supportais plus les hôpitaux. L'ambiance, l'odeur, les bruits... tout me rendait mal à l'aise et nerveux. Pendant presque 6 mois, je m'y étais rendu quotidiennement, aidé par la bouteille ou la came. J'avais besoin d'un remontant pour supporter, jour après jour, la maladie de mon père et sa déchéance. Me retrouver ici me ramenait plusieurs années en arrière et je ne supportais plus l'endroit... Et puis tout simplement, je ne supportais pas l'autorité! Qui pouvait me dire quoi faire? ou aller? si je devais rester ou partir?! Si je voulais rentrer chez lmoi, je le ferais, avec ou sans l'aval du médecin!

Yezahel ne m'avait pas quitté des yeux tandis que je m'installais tout en ralant. Quel temps de perdu, je me retrouvais ici alors que... grrrr! Soupirant, Je lui fis signe de commencer. Autant éviter tout blabla inutile.

- Je suis Yezahel, prince du Mawenzi, gardien d’Amboseli et protecteur du grand rift ! Du moins, c’est ainsi que les hommes m’ont nommé lors de ma première incarnation. J’ai vu le jour à la création du monde et j’ai vécu milles vies d’hommes à arpenter la terre d’est en ouest et du nord au sud. J’ai vite compris que ma différence devait être dissimulée, tout comme celles de ceux qui forment encore aujourd’hui la communauté mystique. Mes qualités et mes pouvoirs m’ont permis de souvent protéger les humains de ces « monstres », tout en trouvant un équilibre pour garantir notre propre survie. C’est pour cette raison qu’on m’a confié la responsabilité du secret de notre existence. Je suis celui qui les guide, qui conseil mais qui punis aussi quand cela est nécessaire. Ils me respectent et me craignent ! Mais j’ai le sentiment qu’une révolte ce prépare… Des meurtres dans les bas fonds de Paris ne peuvent qu’être le fruit des miens, pour mettre mon autorité à l’épreuve. Ils se regroupent et complotent pour reverser mon pouvoir et mon autorité, je le sens. J’ignore qui ils sont ! Mais je dois le découvrir avant qu’il ne soit trop tard… Pas pour moi, je n’ai pas peur de mourir, mais pour l’humanité.

Mon dos se cala un peu plus profondément dans le coussin derrière moi. J'étais incapable de penser, tentant de digérer ce qu'il venait de me révéler.

Il s'interrompit mais reprit rapidement:

- Kira et son clan de valkyries sont mes alliées depuis des siècles. Elles ne sont en rien des légendes Viking je peux te l’assurer, et leur talent au combat est encore plus développé que l’on peut l’imaginer. Je sais que je peux compter sur elles pour ce combat, mais elles doivent cependant être canalisées pour éviter les accidents… comme celui de ce soir. J’ai le sentiment qu’elles ne tarderont pas à venir à Paris. S’il il t’arrivait d’en croiser une à nouveau, je te conseille de bien mesurer la teneur de tes paroles.

Un silence s’installa entre nous, brisé par la visite d'une infirmière dans ma chambre. Me voyant habillé et la perfusion arrachée, elle prit un air scandalisé et promit de revenir sur le champ avec le médecin. Je ne l'écoutais même pas, totalement happé par l'histoire de Yezahel. Mon existence toute entière prenait un sens, j'assemblais enfin les pièces du puzzle! Pourtant, tout cette histoire ne semblait pas réelle, comment croire à des choses comme celles ci? Dépassant toute logique et toute raison?

Ma main vint frotter ma nuque et passa instinctivement sur mon pansement. Ma blessure était réelle, et je n'avais pas rêvé cette nuit. J'avais vu les yeux de cette Kira, j'avais vu sa force, et ses aptitudes mystiques... comme j'avais vu celles de Yezahel dans mon bar... Oui, je savais qu'il avait raison. Pourquoi avais je tant de mal à digérer l'information alors? Pourquoi mon cerveau se bornait à se demander si tout cela était possible? Terre à terre? Je soufflais et mettais de coté ma raison pour ne plus penser qu'avec mon intuition. Et les dires de l'homme qui se trouvait devant moi... Car bien sur, je le croyais.

- Tu dis que l'Humanité entière est en danger? Comment ça?

Je réfléchissais à voix haute, tentant de mettre de l'ordre dans ce qu'il venait de me dire, de comprendre le sens de ses mots, tout simplement.

- C'est une guerre qui se prépare... Et tu penses que si elle éclate, nous allons tous en faire les frais? Sans compter que ton successeur pourrait ne pas garder votre existence secrète, c'est bien ça?

L'image d'un Paris envahit par des vampires, démons et autres monstres me traversa l'esprit. Le chaos... Comment pourrait il en être autrement? Toute société a besoin d'un leader, d'un garde fou pour les conduire. Si Yezahel ne tenait plus sa place, comment tout cela pourrait il évoluer?

- Que comptes tu faire des traitres dis moi? les liquider? Combien êtes vous dans votre communauté? Combien d'entre vous pensent comme toi, privilégiant une existence et un secret cachés aux humains...? Qui te dit d'ailleurs que la plupart de tes congénères ne sont pas des traîtres?

Toutes ces questions... Je ne parvenais pas à m'arrêter, tandis que Yezahel me dévisageait. A quoi pensait il ? Peut être préférerait il que je me taise, mais je voulais savoir, il m'avait donné beaucoup d'informations, mais je voulais en savoir le maximum.

- Quant aux valkyries... Par rapport à ce qu'il venait de m'annoncer, Kira me semblait être un moindre mal. Une armée entière de mystiques prêts à renverser un ordre pré-établi, contre une valkyrie, dangereuse, certes, mais facilement évitable. - J'ai bien entendu ce que tu m'as dit, je vais m'en méfier et rester prudent.

- Bien ! Sage décision, mais j’espère que tu n’auras pas à la faire avant longtemps ! Elles ne sont pas les seules créatures dont tu devras te méfier si tu décides de continuer à t’infiltrer dans le monde mystique… Il faut que tu en saches plus sur ceux que tu risques de rencontrer dans les semaines à venir, j’en ai bien conscience. Je vais donc te faire quelques révélations sur les membres de mon peuple si tu m’assures que tu veux plonger dans la tanière d’Alice aux pays des Merveilles…

Si son air s'était détendu l'espace de quelques secondes, il me regardait avec un air des plus sérieux à présent. Sans doute tentait il de me faire peur, il voulait s'assurer que j'étais capable de remplir cette mission... Pour qui me prenait il? un lâche? tout ce qu'il avait réussi à faire était de piquer ma curiosité... Je m'étais engagé dans cette affaire, et je n'avais pas l'intention de renoncer à l'écarlate! Peu m'importait les risques encourus, je n'avais rien à perdre. Et j'arrivais toujours, cette nuit n'était que l'exception qui confirmait la règle, à me défaire des situations les plus délicates... Un peu d'adrénaline, beaucoup de came et de fric à ramasser... non, je n'allais pas renoncer maintenant!

- Es-tu toujours dans le coup l’ami ?

- Bien sur que je suis dans le coup! lui dis je avec un sourire non dissimulé. Parle moi de tes semblables... je t'écoute. Et notre petit contrat n'en sera que mieux respecté.

Je parlais de la mission qu'il m'avait confiée pour l'engager à se confier... si j'en savais plus, je serais plus apte à lui donner les informations qu'il recherchait. Cependant, je devais bien avouer que les raisons qui m'avaient poussées à accepter notre accord n'étaient pas que financières. Je cherchais des réponses dans tout cela... je voulais savoir depuis quand ces monstres traversaient ma vie... si j'avais le souvenir d'un mystique à l'age de 6 ans... Étaient ils autour de moi depuis bien avant? Mon père avait il conscience de leur existence? Ma mère les connaissait elle lorsqu'elle avait décidé de nous abandonner?

J'avais une multitude de questions, auxquelles je cherchais des réponses, mais je n'étais pas prêt de lui poser directement... J'avais l'intention d'obtenir petit à petit des informations pour lever le voile sur mon passé.

Il allait me répondre lorsque je demandais:

- Dis moi juste avant de commencer... D'autres humains sont au courant de votre existence?

Je réfléchissais pour bien lui formuler ma question.

- Je sais que j'ai vu depuis que je suis enfant des choses différentes... dépassant la raison... Depuis toujours j'ai conscience que je sais des choses que les autres ne savent pas. D'autres humains sont ils comme moi?

- J’ignore si ce que je vais te dire va te rassurer ou te blesser dans ton amour propre, mais non tu n’es pas le seul être d’exception à avoir conscience de l’existence de notre monde. Dans notre langage, nous vous appelons les « Intuitifs ». J’ignore ce qui vous différencie des autres humains, à part pour les compagnes de sang qui sont désignées depuis leur naissance. Ce sont les femmes des vampires, mais je t’expliquerais ça plus tard. Les médiums, chasseurs et autres restent un mystère de la génétique. Bien sur il y a aussi quelques accidents, qui permettent aux humains de deviner notre existence, mais ces faits sont rares ! J’y veille personnellement. Dans ton cas, je ne peux pas te dire si ton intuition vient de la négligence d’une créature mystique qui aurait éveillé tes soupçons dans l’enfance et éveillé ton intelligence ainsi que ton sens de l’observation, ou si tu a ce don depuis ta naissance…

Aucune importance sur la raison qui me permettait de Les connaitre. Je savais qu'ils étaient là, et je n'avais pas sombré dans la folie lorsque je m'en étais rendu compte. Combien de personnes pouvaient en dire autant? Expérience juvénile, inconscience de la part de l'un d'eux, observation... et de l'intuition, sans doute possible, car lorsque je me fiais à elle, je faisais toujours les bons choix. Me faire confiance était ce que je savais faire de mieux, depuis toujours.

- Ce que je sais en revanche c’est que les intuitifs dans ton genre sont des êtres précieux.

Précieux pourquoi? Je pensais être intéressant uniquement à cause de mon bar. Beaucoup de clients, de passage, bien situé... Mes petits trafics attiraient le genre de petites bandes qu'il devait rechercher... N'était ce pas la seule raison pour laquelle il était venu me trouver?

Il alla boire une gorgée d'eau et reporta son attention sur moi, qui était resté silencieux.

- Avant de parler des membres de la communauté as-tu d’autres questions sur les intuitifs ? Il enchaîna. - Et quelles créatures mystiques penses-tu avoir déjà croisé ?

- En quoi sommes nous précieux? Je ne comprends pas. répondis je du tac au tac. -Et où sont les autres? La question m’échappa, je n'eus le temps de la retenir. Non que j'aimais vivre en bande, ou que j'avais l'intention de monter un club d'intuitifs, mais tout ça n'avait pas de sens. Je n'arrivais pas à relier les informations qu'il m'apportait, et cela commençait à m'agacer. Pourquoi m'avait il choisi moi dans ce cas? Je n'étais surement pas le seul Parisien à fréquenter les bas fonds de Paris.

- A moins qu'ils ne soient tous fait descendre par Kira.

Cette réflexion m'amusa alors qu'elle était loin d'être drôle. J'haussais les épaules en fouillant dans mon jean. J’espérais qu'ils me l'avaient gardée lorsque j'étais arrivé à l’hôpital... Ils avaient du la mettre dans une de mes poches... Ah, je l'avais! Attendant sa réponse, je glissais la chevalière que je ne retirais jamais autour de mon doigt.

- Précieux car vous êtes les passerelles qui relient nos deux mondes. Votre humanité vous permet d’être à l’aise dans la société humaine tandis que votre part d’intuition vous donne une certaine liberté dans la communauté mystique. Tu viens tout juste d’apprendre l’existence de notre univers magique, cela doit te paraitre un fardeau plutôt qu’un atout, mais tu apprendras avec le temps à manipuler toutes les ficelles qui te permettront de t’élever dans notre sphère. Quand aux autres intuitifs, ils vivent comme toi en respectant la loi du secret et n’ébruitent pas leurs connaissances aux autres. C’est une vie plutôt solitaire… Pas vraiment humain, mais loin d’être un mystique. Tu devrais néanmoins croiser des êtres semblables à toi le long de ta route. D’ailleurs si tu ressens le besoin de te confier à l’un d’entre eux après cette discussion, je pense pouvoir te trouver quelques adresses où tu trouveras du soutien… mais je crois que tu vas refuser cette proposition. N’est-ce pas ?

Je me mis à sourire malgré moi. Yezahel me connaissait très bien, était ce parce qu'il avait passé du temps à m’observer avant de venir me trouver ou parce qu'il m'avait cerné dès qu'il m'avait vu?

- Effectivement. Je n'ai pas besoin de soutien, et je n'ai pas envie de me confier. Tes explications me suffisent amplement. De toutes façons, je ne compte pas m'intégrer à ton monde, je veux juste honorer comme il se doit notre contrat. Ce sera bien suffisant .

Je chassais rapidement de ma tête l'idée qui m'avait effleurée. Ma mère, son départ précipité... Non, elle ne devait rien à voir la dedans et... quand bien même! Si elle avait fuit, ce n'était sans doute pas pour cette raison, je n'allais pas commencer à tomber dans ce genre de plan larmoyant qui ne me ressemblait pas. Non, elle n'avair rien à voir la dedans, et non, je vivais depuis assez longtemps sans elle pour avoir à m'en soucier.

- Dis m'en plus alors. Des mystiques, j'en ai déjà croisé un certain nombre, mais te dire qui ils sont, j'en suis incapable. Si je suis venu te voir pur te demander de partir le soir où tu m'as proposé notre accord, c'est parce que je sentais qu'il y avait de plus en plus de mystiques chez moi. Mais tu es le premier que j'ai interpellé. D'habitude discrets et en petits nombres, je n'ai jamais eu à faire ce que j'ai fait ce soir là. Mais ces derniers temps, leur nombre a considérablement augmenté...

Cette fois là encore, mon intuition ne m'avait pas fait défaut. Pourquoi ce soir là, étais je allé lui demander de partir. Pourquoi lui, alors que je n'avais jamais interpellé personne, me contentant d'observer et d'écouter...

- Alors, qui sont ils? A part les délicieuses et dangeureuses valkyries, quels autres êtres mystérieux croisent mon chemin chaque jour?

- Effectivement. Je n'ai pas besoin de soutien, et je n'ai pas envie de me confier. Tes explications me suffisent amplement. De toutes façons, je ne compte pas m'intégrer à ton monde, je veux juste honorer comme il se doit notre contrat. Ce sera bien suffisant.

Je réprimai une envie de rire. Ce discours je l’avais mainte et mainte fois entendu au cours de ma vie. « Nous en reparlerons dans quelques mois mon ami ! » Je n’allais pas lui raconter maintenant les histoires de bon nombre d’intuitifs qui avaient refusé leur statut avant de se plonger totalement dans notre monde. Cela ne servirait à rien, Belyal n’était pas près à l’entendre. Il se ferait son propre avis sur la question et reviendrait vers nous en temps et en heure.

- Dis m'en plus alors. Des mystiques, j'en ai déjà croisé un certain nombre, mais te dire qui ils sont, j'en suis incapable. Si je suis venu te voir pour te demander de partir le soir où tu m'as proposé notre accord, c'est parce que je sentais qu'il y avait de plus en plus de mystiques chez moi. Mais tu es le premier que j'ai interpellé. D'habitude discrets et en petits nombres, je n'ai jamais eu à faire ce que j'ai fait ce soir là. Mais ces derniers temps, leur nombre a considérablement augmenté…

Je ne pensai pas que le nombre de mystiques ait augmenté dans son bar depuis qu’il le tenait, mais plutôt que son intuition s’affinait au fil des jours et devenait de plus en plus précise et efficace. Bon nombre de mes semblables fréquentaient se bar depuis bien longtemps sans s’être fait remarqués avant.

- Alors, qui sont-ils? A part les délicieuses et dangereuses valkyries, quels autres êtres mystérieux croisent mon chemin chaque jour?

- Le jour, quand le soleil est à son zénith, tu as pu croiser des changeling…

Je me mis à lui énumérer et détailler toutes les créatures mystiques de notre communauté. Des vampires aux anges, en passant par les fées sans oublier les loups garous… Sans l’effrayer en dressant un tableau dramatique, j’essayai de montrer le coté positif de chaque race en mettant en avant leurs qualités. Belyal m’écouta sans rien dire tout le long de mon monologue, haussant les sourcils par moment, grimaçant à d’autre ou souriant malicieusement.

- Voila, tu sais tout ! Je t’ai donné toutes les bases, le reste il faudra l’explorer par toi-même.

Connaissant les méthodes de rangement du jeune homme, je décidais de lui redonner ma carte de visite. Je glissai le petit morceau de papier sous le verre de l’adaptable proche de son lit, bien en évidence pour qu’il ne risque pas de l’oublier en partant.

- Je ne peux rester plus longtemps, mais n’hésite pas à m’appeler si tu as la moindre question… ou si tu remets dans une situation difficile avec un mystique.

Après un clin d’œil complice, j’attrapai ma veste et quittai la petite chambre.